J'ai fait une entorse à mes lectures de romans policiers. Je vous en parle quand même parce que j'en ai éprouvé un grand plaisir.
Un jour, je tombe sur cette entrevue donnée par Philip Roth et je suis conquise par le personnage. Quel homme! Je m'étais alors promis de lire son oeuvre, mais voilà, je ne sais où donner de la tête avec ma PAL. Jusqu'au jour où je trouve une critique sur son roman Némésis publié chez Gallimard en 2012, et que j'y vois un signe du «cosmos».
(source : Wikipedia)
Eugene « Bucky » Cantor est professeur de gymnastique, en charge durant l'été 1944 d'un centre de sport municipal de Weequahic le quartier juif de Newark dans le New Jersey. Brillant athlète et lanceur de javelot de haut niveau, une sévère myopie l'a empêché de s'enrôler dans l'armée pour combattre sur le théâtre européen ou dans le Pacifique. Il se sent coupable parce que durant toute sa jeunesse – recueilli par ses grands-parents après la mort en couches de sa mère et l'abandon de son père emprisonné pour vol – son grand-père l'avait éduqué dans la perspective d'un destin héroïque. En , une épidémie de poliomyélite éclate dans le district italien de Newark et se propage rapidement dans d'autres zones de la ville. Rapidement des enfants du centre de Bucky tombent malades et trois d'entre eux meurent en quelques jours. Bucky tente alors d'assumer son rôle d'encadrement : son combat sera de réconforter, protéger ces enfants, et tenter de consoler les familles frappées. La présence de son futur beau-père, un médecin, lui permet aussi de rationaliser un peu la situation et de ne pas céder à la panique qui petit à petit envahit les familles de condition modeste.
Bucky s'interroge cependant sur les raisons de l'épidémie : il n'adopte pas un point de vue scientifique – la maladie était mal connue à l'époque – ni une interprétation providentielle, qui en aurait fait un châtiment divin frappant aveuglément tous les enfants. Inquiète, sa fiancée Marcia, qui travaille dans un camp d'été en Pennsylvanie, lui propose de venir la rejoindre ; elle a obtenu pour lui de son directeur un poste de maître-nageur. Alors que sa position morale le pousse à continuer le travail entrepris à Newark, Bucky désire retrouver Marcia et se convainc qu'il ne sera pas moins utile auprès d'elle. Il souhaite aussi échapper à la torpeur morbide de la ville. Il accepte donc l'offre et la rejoint avec enthousiasme, étouffant ses scrupules. Après quelques jours, un premier cas de polio éclate dans le camp, puis rapidement deux autres. Bucky peut être porteur du virus et il finit par tomber malade lui aussi.
Vingt-sept ans ont passé et Bucky, à qui la polio a laissé un profond handicap, travaille dans une station-service de Newark. Un ancien enfant du centre sportif de Weequahic, lui aussi touché par le virus, vient à le reconnaître et l'interpelle. Tous deux décident de déjeuner régulièrement ensemble. Bucky pour la première fois se confie sur les évènements de l'été 1944 et lui détaille sa vie qu'il a menée depuis. Marqué dans son corps par la maladie et dans son âme par le double sentiment de culpabilité vis-à-vis de lui-même et de son rôle dans la propagation probable de l'épidémie, il a rompu, dès l'hôpital, tous les liens qui l'attachaient à Marcia et s'est refusé à l'épouser malgré ses supplications. Sacrifice personnel, mortification et questionnements métaphysiques ont depuis lors rempli son existence brisée.
Dans ce roman d'une grande douceur, d'une grande sagesse, d'une telle vision de l'absurdité humaine, j'ai retrouvé tant d'analogies avec le contexte actuel de pandémie que j'ai cru à une entourloupette de BB, Big Brother!. J'ai également retrouvé dans l'écriture de Roth la même impression de lucidité qu'il m'avait inspirée lors de l'entrevue. Un auteur à découvrir!
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