samedi 20 février 2021

Armand à Paris!

J'ai perdu le contrôle de ma PAL. Ma faute! Et la faute à tous ces auteurs...

Le dernier Louise Penny : Tous les diables sont ici (Ed. Flammarion Québec, 2020, 512 pages).

Le soir de leur arrivée à Paris, les Gamache se réunissent dans un bistro avec le parrain d’Armand, le milliardaire Stephen Horowitz. En sortant, ils voient avec horreur le vieil homme se faire renverser dans ce que Gamache sait n’être pas un simple accident, mais bien une tentative d’assassinat. Une étrange clé trouvée sur le blessé entraîne Armand, sa femme Reine-Marie et Jean-Guy Beauvoir, son gendre et ancien bras droit à la Sûreté, sur une piste allant du sommet de la tour Eiffel aux entrailles des Archives nationales, en passant par de luxueux hôtels et des oeuvres d’art cryptiques. Il leur faut se plonger dans les secrets qu’Horowitz a dissimulés pendant des décennies. Une découverte terrible dans son appartement parisien montre toutefois que le danger est bien plus grave. Bientôt, toute la famille se retrouve piégée dans un enchevêtrement de mensonges et de tromperies. Gamache devra décider s’il préfère se fier à ses amis, à ses collègues, à son instinct… ou à ses proches. Car même la Ville lumière recèle des zones d’ombre où se cachent des êtres diaboliques.


C'était bien mal parti : le rappel, dans le détail, des raisons de la présence à Paris d'Armand et Reine-Marie (ce prénom m'agace toujours...), de leurs enfants et leurs conjoints, etc... Et la description des lieux avec leurs origines. J'aime bien apprendre et j'apprécie lorsqu'une histoire est bien documentée, mais comme dans ses romans antérieurs, la technique de Penny m'exaspère. Et voilà que l'action se pointe, me faisant oublier tout ça. Une fois le suspense installé, la lecture a été très agréable. On retrouve toujours ses principaux personnages, auxquels s'en ajoutent d'autres, pas très marquants, qui devraient se faire oublier dans le futur. Les revirements de situations sont nombreux. Il y a bien quelques invraisemblances, mais quel roman n'en a pas? La finale était toutefois à la sauce Louise Penny... dois-je en rajouter? La traduction est excellente, comme toujours. Et comme la conclusion ne laissait rien présager de la fin de cette série, pas étonnant d'apprendre que le numéro 17, The Madness of crowds, sera publié cet été.

samedi 13 février 2021

Erlendur, il me plaît!

Pourquoi l’inspecteur Erlendur use-t-il sa mauvaise humeur à rechercher l’assassin d’un vieil homme dans l’ordinateur duquel on découvre des photos pornographiques immondes et, coincée sous un tiroir, la photo de la tombe d’une enfant de quatre ans. 
Pourquoi mettre toute son énergie à trouver qui a tué celui qui s’avère être un violeur? Pourquoi faire exhumer avec quarante ans de retard le cadavre de cette enfant ? Comment résister à l’odeur des marais qui envahit tout un quartier de Reykjavic? A quoi sert cette collection de bocaux contenant des organes baptisée pudiquement la Cité des Jarres? Pourquoi partout dans le monde la vie de flic est toujours une vie de chien mal nourri ? Erlendur le colérique s’obstine à tenter de trouver les réponses à toutes ces questions. Ce livre écrit avec une grande économie de moyens transmet le douloureux sens de l’inéluctable qui sous-tend les vieilles sagas qu’au Moyen Age les Islandais se racontaient pendant les longues nuits d’hiver. Il reprend leur humour sardonique, l’acceptation froide des faits et de leurs conséquences lointaines.



Je ne suis pas une fan finie d'Arnaldur Indridason. Je ne sais pas... ces noms de personnages et de lieux imprononçables, ce climat sombre, humide et froid, pluvieux, ce contexte insulaire, ce rythme inégal... Mais là, avec La Cité des jarres (Éditions Métailié, 2011, 288 pages), le troisième de sa série Erlendur Sveinsson, il m'a conquise!

D'un message découvert sur les lieux d'un meurtre, découleront de nombreuses enquêtes, interreliées évidemment! Erlendur, il va s'acharner jusqu'à relier tous les points. La finale est prévisible, mais habile. Excellent roman policier!

Erlendur m'a rappelé Wallender, cet enquêteur atypique, au coeur tendre, humain, qui ne suit que son instinct, que la vie n'épargne pas... Je l'ajoute dès maintenant à ma liste de chouchous!

 

mercredi 10 février 2021

Aspirée par la noirceur!

Depuis quelques semaines, je dors plus, je dors mieux. J'ai donc moins de temps pour lire. Et pas question que je le perde à lire n'importe quoi...



Je venais donc d'abandonner L'aveugle au pistolet de Chester Himes, un roman noir sur le Black Power à Harlem (un pléonasme?), et j'avais envie de me perdre dans un «bon» roman, un «bon» polar. Et comme j'ai de la suite dans les idées (plus dans mes idées que dans l'ordre de publication...), j'ai choisi Carrières noires d'Elena Piacentini (Ed. Au delà du raisonnable, 2012, 368 pages). Et me voilà littéralement aspirée dès les premières pages...

Depuis les carrières souterraines et glacées de la petite ville de Lezennes, près de Lille, un homme-ombre surveille. C’est son domaine, son royaume. Il fuit ceux d’en-haut mais connaît tous leurs secrets, entrevus depuis leurs caves. Et de secrets, la ville du Nord n’est pas avare : les sales dossiers que la vieille sénatrice Maes cache dans son coffre-fort, les ambitions présidentielles de son neveu, les rêves de villégiature de sa femme de ménage… Jusqu’au jour où le commandant Pierre-Arsène Leoni, prêt à quitter définitivement Lille pour rejoindre sa Corse natale, tombe sur le corps sans vie de l’ancienne sénatrice et où la ville secrète se transforme en ville assassine…

J'ai tout de suite reconnu la plume de Piacentini (voir mon billet sur Aux vents mauvais, le septième et dernier de sa série Pierre-Arsène Leoni). Carrières noires est le 4e, ce que j'ai constaté dès l'entrée en scène de Leoni.

Les histoires, nombreuses, dont le degré de suspense varie, s'entremêlent pour s'imbriquer parfaitement dans le dernier tiers. La trame qui les relie est cependant solide, même si le contexte est parfois un peu banal et léger. Le ch'ti et le corse sont spontanément traduits, évitant les notes de fin de page ou les recherches sur le net. L'humour, le deuxième degré, sont omniprésents; comme les détails historiques des lieux; comme le côté sombre et tordu de certains personnages; comme l'amitié indéfectible des enquêteurs envers leur ex-commandant (ici, la lecture préalable des autres tomes aurait expliqué le «ex»...). Les personnages sont ici encore très attachants, humains. L'action, subtile, m'a fait dévorer les derniers chapitres. Excellent choix si l'on recherche un polar «léger» et intelligent!

dimanche 31 janvier 2021

Eric Chassé... Ataboy!

Il ne figurait pas vraiment dans mes intentions de lecture à court terme, mais je n'oppose aucune résistance face à une critique convaincante de mon amie Micheline (je vous parlerai d'elle bientôt!) et un résumé comme ça... 


Un mensonge de trop de Eric Chassé, publié chez Guy St-Jean Éditeur en septembre 2020 (324 pages).

Samedi, 14 heures. Lorsque Mathis se réveille dans sa voiture, il ne comprend rien. Qu’est-ce qu’il fait là? Peu à peu, quelques souvenirs flous se faufilent dans la mémoire de l’enseignant de troisième secondaire. Un verre, la veille. L’inconnu qui lui a offert à boire. Aurait-il été drogué? De retour chez lui, il retrouve son portefeuille dans la boîte aux lettres. Le contenu en semble intact, mais on l’a accompagné d’une note: C’est parti. Mathis comprend que quelqu’un, quelque part, sait tout de sa vie privée. Tout. Une vidéo explicite où il tient la vedette a été dérobée de son ordinateur et sera diffusée à tous ses contacts, dont ses élèves, s’il n’accepte pas les conditions d’un odieux chantage. Et ce n’est que la pointe de l’iceberg... Une course folle, des événements terribles, une vie qui déraille, un cauchemar inimaginable: voici le troisième roman addictif d’un jeune auteur qui s’impose lentement mais sûrement comme un maître du roman noir québécois.


La tension s'installe dès les premières pages et le rythme est serré. A peine quelques accalmies... Le contexte, le langage...on est au Québec. La trame, cauchemardesque à défaut d'être originale (ces histoires sordides font malheureusement souvent la une des journaux ici), est solide et crédible. Les personnages aussi. On se met facilement dans leurs souliers, dans leur tête. Comme Mathis, le personnage principal, on a l'impression que ça s'est déroulé sur quelques semaines, alors qu'en fait, il ne s'est passé que 24 heures. Habile ce Chassé! Sans révéler l'issue de ce cauchemar, qu'on devinera évidemment, tout va déraper... Pour le temps que je n'ai vraiment pas vu passer, je le recommande!

vendredi 29 janvier 2021

Nelly Arcan, comme un thriller

J'avais décidé, au début de l'an 2 de cette nouvelle ère de glaciation sociale, de lire d'autres genres littéraires, d'élargir mon horizon, d'apaiser mon exaspération, mon impuissance... Mais pourquoi Arcan me direz-vous? C'est pas la fille pour te calmer, au contraire! Elle t'amène dans ses propres retranchements, dans sa folie, dans sa tête, dans son corps... Avec elle, un chien, c'est un chien! (Je dis «chien» parce que j'haï les chats...) C'est jamais gris! Noir ou blanc! À prendre ou à laisser! Mais elle t'ancre dans la réalité, aussi laide soit-elle... Exit les vierges offensées! 

A ciel ouvert* de Nelly Arcan (Éd.Points, 2019, 251 pages)

À ciel ouvert raconte l’histoire de Rose et de Julie, et de leur compétition pour l’amour d’un homme, Charles. L’action se déroule au cœur du Plateau-Mont-Royal, un quartier de Montréal « où tout le monde se croisait sans cesse 3 », entre le gym, le bar Plan B et le toit de l’immeuble où les trois personnages habitent. Les protagonistes sont issus d’un milieu que l’on pourrait qualifier de bourgeois-bohème, tous trois étant des travailleurs du secteur culturel ; Charles est photographe de mode, Rose est styliste et Julie est documentariste. Charles vit avec Rose une histoire d’amour sereine, jusqu’au jour où il fait la rencontre de sa voisine de palier, Julie. Les deux femmes, malgré leurs apparentes différences, ont beaucoup en commun, dont un penchant immodéré pour la chirurgie plastique. Les deux personnages féminins, explique Nelly Arcan, « se ressemblent étrangement. Une femme à deux têtes. On peut dire qu’il s’agit d’une même femme dont l’une réfléchit son propre état et le monde dans lequel elle vit, par sa pensée, alors que l’autre agit dans le monde. Julie pense sa propre aliénation alors que Rose s’y engloutit, va ultimement en toucher le fond par la vaginoplastie. Julie voit et Rose montre 4 ». Après plusieurs rencontres, Charles et Julie tombent amoureux l’un de l’autre, laissant Rose au désespoir. Cette dernière se réfugie donc dans les bras de Marc, un chirurgien esthétique fortuné. Avec l’aide involontaire de son nouveau compagnon, elle va préparer un stratagème, retransformer son corps dans l’espoir de reconquérir son amour perdu. À ciel ouvert est une réflexion sur la beauté et l’image de soi dans une société que l’on décrit souvent comme narcissique. Le livre jette un regard acerbe sur cet idéal obsédant de beauté qui incite les gens, plus particulièrement les femmes, à se dépasser et parfois même se transformer pour rester belles et jeunes à jamais. (source : nellyarcan.com)

Je lis les oeuvres de Nelly Arcan avec un certain intervalle. Pour étaler le plaisir. Parce que la source de ces oeuvres est désormais (et malheureusement) tarie... Et aussi parce que c'est dense, lourd, mais tellement beau. Sa décision de se donner la mort lui appartient, mais je peux à la limite comprendre la charge mentale insoutenable de cette femme d'une telle lucidité, d'une telle sensibilité... Tiens, tiens, me voilà psychologue maintenant? N'y voyez pas un aveu de mal-être de ma part... Je me porte très bien physiquement, et assez bien psychologiquement. Comme mes congénères, je compose avec les aléas de la vie, quoi! C'est ça être un adulte! 

Je reviens à A ciel ouvert. On n'est pas dans la fiction à mon avis. Dans le récit? Je le crois. C'est cru sans être choquant, ces pensées, ces mots, ces émotions... On est à la fois dans le superficiel avec la chirurgie plastique, l'image corporelle, la quête de la jeunesse éternelle, l'oeil du photographe de mode, l'obsession de l'image, et la profondeur avec l'enfance blessée, l'alcoolisme, le mal-être physique, la schizophrénie. Les personnages sont complexes, tourmentés, à l'image de Arcan. Sa plume est acide, tranchante comme un scalpel. Avec cette tension qui croît, j'ai l'impression de lire un thriller, raison pour laquelle ce billet apparaît sur cette page. Il y a le suspense, l'appréhension, les manigances. Et ce ciel, qu'elle décrit au début de chaque paragraphe... 

Il me reste quelques oeuvres, quelques textes de Arcan à lire. Et après, je vais la relire....

*À ciel ouvert, troisième roman de Nelly Arcan, est publié en 2007 et marque une « coupure par rapport à Putain et Folle 1 ». En effet, après deux œuvres d’autofiction, Nelly explore des formes littéraires plus classiques : la narration se fait désormais à la troisième personne et le récit, pour une plus large part fictif, est davantage dramatisé.

Le dernier Gardner... bah...

Après le roman de Karen Cleveland, l'excellent commentaire de Nicole sur le dernier Gardner a orienté mon choix. Mais voilà, même après avoir avalé plus de 75 % du livre, je n'étais toujours pas impressionnée.




Retrouve-moi de Lisa Gardner, paru aux Éditions Albin Michel en janvier 2021 (480 pages).

Découverte macabre à Boston : quatre membres d’une même famille sont retrouvés assassinés chez eux. La mère, deux de ses enfants et son compagnon. Seule une personne semble avoir échappé au massacre : Roxanna, 16 ans, la fille ainée. Des témoins affirment l’avoir vue sortir promener les chiens avant les coups de feu. Heureux hasard ou aveu de culpabilité ? En plongeant dans le passé de Juanita Baez, la mère de famille, l’enquêtrice D.D Warren découvre une histoire tourmentée entre alcool, violences et familles d’accueil, qui pourrait laisser croire à une vengeance. Pourtant plus l’enquête avance, plus la voix de Roxana victime ou suspecte, semble demander : « Retrouve-moi... »


Avec Retrouve-moi, on reconnaît d'emblée la méthode Lisa Gardner. Une méthode indiscutablement efficace. Les chapitres sont une alternance de narration de Flora Dane (apparue dans Lumière noire si mon souvenir est bon), du récit pour un travail scolaire de Roxanna, et de l'histoire en tant que telle avec D.D. Warren et sa suite. On voyage entre le présent, le passé et un temps indéterminé. Intéressant, mais je ne sais pas, je n'embarque pas dans l'histoire. La trame n'est ni solide ni originale, la traduction est discutable, et les invraisemblances si nombreuses... Mais on est en terrain connu avec les mêmes personnages principaux. J'ai vérifié mon impression auprès des critiques littéraires et je fais bande à part, de toute évidence. Les éloges à l'égard de ce roman sont unanimes : on l'adore! Je pense qu'à trop étirer la sauce, chez les auteurs prolifiques et chouchous, on me perd. Heureusement, j'ai retrouvé un peu de plaisir, après en avoir lu plus de 80 % toutefois, alors que le rythme s'accélérait et qu'il se produisait quelques revirements de situation. Je pense que ce n'était pas son meilleur...

dimanche 10 janvier 2021

Relier les points

Une de mes résolutions pour cette année, c'est de lire un peu, juste un peu, moins de romans policiers. La tiendrai-je? Est-ce si important?


La Casa de la danza de Dominique Hudson, un auteur québécois, paru chez Libre Expression (2020, 320 pages).

«Elle embrassa les fleurs délicatement et, dans un geste rempli d'amour, les lança dans l'océan avec l'espoir que celui-ci avait entendu ses prières et que ces fleurs en guise d'offrande suffiraient. » Dans La Havane du début des années 1960, Alicia, danseuse principale de la Casa de la danza, confie sa fillette Maria et sa mère Célia à El Caballero afin qu'elles aient une vie meilleure. C'est lors d'un orage épouvantable qu'elles disparaissent. Une belle et envoûtante histoire « musicale » qui nous plonge dans l'atmosphère festive des grands cabarets des années 1960 et 1970, avec cigares et rhum, tant à La Havane qu'à Little Havana, le quartier d'immigrants illégaux cubains de Miami, et à Montréal.


Relier les points...

Petite, j'aimais recevoir des cahiers à colorier, des cahiers où je recréais des images en reliant les points. Il m'est revenu ce souvenir en lisant ce roman.

J'ai jamais mis les pieds à Cuba mais je sais qu'elle est la destination préférée de plusieurs de mes amis. J'ai une bonne idée du contexte politique. Je suis aussi une piètre danseuse, je ne connais pas le milieu de la danse, mais j'aime bien assister aux belles prestations. Ceci dit, parler de la danse sans qu'on «entende» la musique, sans qu'on imagine les pas, le rythme, qu'on «voit» les personnages, il manque à mon humble avis une certaine dimension. L'école de danse, elle sert de trame de fond à un drame humain (devoir se séparer de sa toute petite fille et de sa mère avant le nouveau régime de Castro), et aux histoires d'amour reliées par la passion de la danse et l'espoir de retrouvailles.  L'auteur est allé à l'essentiel, aux moments marquants de l'histoire, laissant des trous immenses. Je devais relier les points... Visuelle, j'aurais aimé «voir» les personnages : sont-ils grands, petits, cheveux châtains, noirs...? On sait qu'ils fument tous le cigare et boivent tous du rhum, mais c'est à peu près tout. Le rythme (de l'écriture, j'entends) est relativement égal. Les mots sont justes, beaux, recherchés. A la fin, le rideau tombe (d'un coup!) me laissant sur mon appétit, mais là encore, j'ai dû imaginer la scène. J'ai tout de même passé un bon moment...