vendredi 30 octobre 2020

Mapuche de Caryl Férey : les bas-fonds argentins!

Caryl Férey faisait partie des nombreux auteurs français suggérés pour notre prochaine rencontre. Et moi, j'avais son Mapuche dans ma bibliothèque numérique (Éd. Gallimard, 2012, 464 pages).

Résumé Jana est Mapuche, fille d'un peuple indigène longtemps tiré à vue dans la pampa argentine. Rescapée de la crise financière de 2001-2002, aujourd'hui sculptrice, Jana vit seule à Buenos Aires et, à vingt-huit ans, estime ne plus rien devoir à personne. Rubén Calderon aussi est un rescapé, un des rares «subversifs » à être sorti vivant des geôles clandestines de l'École de Mécanique de la Marine, où ont péri son père et sa jeune soeur, durant la dictature militaire. Trente ans ont passé depuis le retour de la démocratie. Détective pour le compte des Mères de la Place de Mai, Rubén recherche toujours les enfants de disparus adoptés lors de la dictature, et leurs tortionnaires... Rien, a priori, ne devait réunir Jana et Rubén, que tout sépare. Puis un cadavre est retrouvé dans le port de La Boca, celui d'un travesti, « Luz », qui tapinait sur les docks avec « Paula », la seule amie de la sculptrice. De son côté, Rubén enquête au sujet de la disparition d une photographe, Maria Victoria Campallo, la fille d un des hommes d affaires les plus influents du pays. Malgré la politique des Droits de l'Homme appliquée depuis dix ans, les spectres des bourreaux rôdent toujours en Argentine. Eux et l'ombre des carabiniers qui ont expulsé la communauté de Jana de leurs terres ancestrales...
 
Mon avis. Comme je ne connais rien, mais absolument rien, aux conflits qui ont secoué l'Argentine, l'auteur, en nous rappelant le contexte socio-économico-politique de son roman, m'a donné le tournis tant il y avait de références à l'histoire de ce pays, des références toutes avérées. J'ai dû m'accrocher aux personnages pour ne pas me laisser distraire par cette trame, et prendre des pauses après presque chaque chapitre pour digérer toutes ces informations. N'eût été des personnages très attachants, j'aurais peut-être arrêté ma lecture après les premiers chapitres. Tant d'atrocités infligées aux Argentins, de corruption généralisée, de dictature, d'oppression, de torture, de bas-fonds inimaginables, d'impunité de la classe politique et de la police, de droits humains bafoués, ça dérange... Un thriller noir plus que policier, au rythme serré, soutenu, avec l'omniprésence de la peur. C'est puissant! C'est bon! Vraiment bon!

mercredi 21 octobre 2020

Valentine Imhof : une découverte!

 Notre prochain club de lecture porte sur les auteurs «français de France». Pierre T. nous en a dressé une liste impressionnante, certains que j'ai lus, d'autres jamais. Je viens de sortir d'une série de polars islandais et comme si l'insularité donnait une saveur particulière aux polars, j'ai eu l'idée de vérifier si St-Pierre-et-Miquelon, un archipel français, habitait des  auteurs de polars. J'y ai trouvé Valentine Imhof, une professeure de lettres qui a vécu aux États-Unis et beaucoup voyagé en Scandinavie nous apprend sa maison d'édition.

J'attaque donc son premier roman, Par les rafales (Éditions du Rouergue, 2018, 294 pages).

Résumé : Qui est vraiment Alexis Fjærsten, cette belle jeune femme qui a établi son camp de base à Metz, tombant immédiatement dans le coeur d'Anton ? Pourquoi tue-t-elle sauvagement un inconnu qui lui fait du charme ? Qui lui fait peur au point qu'elle est prête à s'enfuir jusqu'au bout du monde ? Dans un premier roman intense, gorgé d'alcool, de rock et de poésie, Valentine Imhof nous emporte sur les pas d'une héroïne qui s'est placée sous la protection de Loki, le dieu destructeur de la mythologie nordique.

Qu'est-ce que j'en pense? D'entrée de jeu, je ne sais pas trop. On suit une journaliste culturelle complètement disjonctée (on comprendra plus tard pourquoi...), capable du meilleur comme du pire, ce qu'on réalise dès les premiers chapitres. Schizophrènie induite par la violence subie? Alex sème la mort. Les événements, les enquêtes s'entrecroisent, l'encerclent. L'enquêtrice Kelly McLeish. n'apparaît qu'après le premier quart du roman, et donnera le ton à ce qui va suivre. D'autres enquêteurs chevronnés croiseront le fer. L'auteure nous offre un roadtrip : France, Belgique, Louisiane, Écosse, Nouvelle-Écosse, Terre-Neuve, St-Pierre-et-Miquelon. Les chapitres, courts, commencent tous par un texte dense, une suite ininterrompue de lettres, de la poésie (l'auteure les a réunis dans une liste à la fin du roman), où tous les mots sont collés ensemble, écrits avec une police différente de celle du texte. On apprendra que Alex se les fera tatouer sur le corps; moi, je les saute tellement ils me grugent de l'énergie pour en séparer les mots. Beaucoup, beaucoup de références aux groupes rock et jazz de tout acabit et à la musique (l'auteure fournit même la playlist à la fin), aux ambiances. Beaucoup de références géographiques (j'en ai vérifié quelques-unes et elles existent), cinématographiques, artistiques. Une fin de cavale digne d'un film. Brillant! Un thriller magnifiquement bien écrit, magnifiquement bien construit. Une trame pas banale, des personnages très bien campés. Définitivement un coup de coeur!

mardi 13 octobre 2020

Marc Fisher : Rendez-vous raté!

Je n'avais rien lu de Marc Fisher, un auteur québécois, et comme je trouvais le résumé et le contexte intéressants, j'ai ouvert son Mort subite, paru en 2018 chez Coup d'oeil (368 pages).

Résumé. David Berger est dans de beaux draps ! Au sens propre, comme au figuré. Employé d'un prestigieux club de golf des Hamptons, il devient la cible de Louise Eaton, la femme de son richissime patron. Cette dernière, lasse d'être négligée par son époux, jette son dévolu sur lui et tente de le séduire. Cédant au charme envoûtant de Louise, David se laisse alors entraîner dans une liaison torride qui le mènera à sa perte... Un matin, une scène macabre l'attend à son réveil dans une chambre d'hôtel : le corps sans vie de son amante. Dès lors le suspect numéro un de l'enquête policière, David se retrouve au pied du mur. Il doit à tout prix découvrir la vérité afin de sauver sa peau. Mais qui donc se cache véritablement derrière ce meurtre ? Avec Mort subite, Marc Fisher signe un thriller surprenant et haletant, qui entremêle la romance, le suspense, la sensualité, le plaisir et l'humour, pour mieux nous faire frissonner.

Mon opinion. J'ai tout de suite aimé le rythme, les personnages, le contexte, l'évolution de l'histoire, mais après le premier tiers, ça s'est mis à déraper et j'ai commencé à déchanter. On a beau être dans le roman, il y a des invraisemblances qui me dérangent. L'histoire se déroule (ou a été écrite) à une époque où seuls l'ADN et les empreintes digitales existent, l'utilisation du cellulaire rudimentaire, l'enquête carrément occultée et le procès, une véritable comédie. Et je tais les autres invraisemblances pour ne pas dévoiler le dénouement. On dirait que Fisher a voulu appliquer à ce roman la recette d'auteurs vedettes : romance, sexe, mensonge, jalousie, argent. C'est raté avec moi! Pas mauvais, mais tellement pas à la hauteur de mes attentes!

dimanche 11 octobre 2020

Ragnar Jonasson : Avancez en arrière!

 Je ne suis pas une TOC avec les séries littéraires. Je réalise souvent, une fois le roman terminé ou bien entamé, qu'il a un autre tome avant. Ou encore qu'il y a une suite...

Je disais dans mon dernier billet que je n'avais pas réussi à trouver Dimma, le premier tome de la trilogie La Dame de Reykjavik. En fait, La Dame (...) est le premier de la trilogie, suivi de L'Ile au secret dont je vous parlerai plus loin; le troisième, The Mist, n'est toujours pas traduit en français, et sur sa page, Ragnar laisse sous-entendre la publication d'un quatrième. Tout ça pour dire que j'aurai lu les deux premiers dans l'ordre, mais inverse!

En effet, ce qui est plus ironique avec cette trilogie, c'est que le deuxième se déroule une quinzaine d'années avant la période du tome 1. Et que le troisième se déroulerait encore dix années avant! Ce qui me laisse toujours en attente de la suite du premier... Vous me suivez?

Croyant - à tort - connaître le sort d'Hulda, j'ai donc enfilé avec L'Ile au secret publié aux Éditions de la Martinière en 2020 (352 pages).

L'Île d'Ellidaey

Résumé. Au large des côtes de l’Islande, l’île d’Ellidaey abrite la maison la plus isolée au monde. C’est sur cette terre sauvage que quatre amis ont choisi de fêter leurs retrouvailles. Mais, après la chute mortelle de l’un d’entre eux, la petite escapade tourne au drame. L’inspectrice Hulda, quinze ans avant les événements survenus dans La Dame de Reykjavík, n’a qu’une ambition : découvrir la vérité. Pas du genre à compter ses heures, Hulda ne prendrait- elle pas l’affaire trop à cœur ? Elle n’a jamais connu son père et a toujours entretenu avec sa mère une relation en dents de scie. Une vie de famille tellement chaotique que son job semble la seule chose capable de la rattacher à la réalité... Mais sur l’île d’Ellidaey plane une atmosphère étouffante. Les fantômes du passé ressurgissent.

L'ai-je aimé? Oui, beaucoup! Peut-être plus que le premier d'ailleurs. Probablement parce que, avec le premier tome, je m'étais imprégnée de l'atmosphère islandais, avec ses insulaires, son austérité, sa géographie unique, la coutume d'aborder les gens avec leur prénom. Si ce n'est au point de vue technologique, le retour dans le temps d'un peu plus d'une décennie est imperceptible. Les histoires s'entremêlent, mais Hulda découvrira les liens entre elles. Habile! Un autre que j'aurai dévoré!

vendredi 9 octobre 2020

Ragnar Jonasson et sa Dame de Reykjavik!

 Notre rencontre du 15 septembre approche, en espérant qu'elle ait lieu. L'étau rouge se resserre autour de l'Estrie (en télétravail à leur maison de campagne, nos fonctionnaires et technocrates ont, un bon matin, eu l'idée d'un «langage codé» basé sur les couleurs d'automne, vert, jaune, orange et rouge, pour «parler» au peuple, pour colorier la province; à moins que ce ne soit dans un bouchon de circulation, les yeux rivés sur les feux de circulation... ). Les couleurs d'automne ont ceci d'intéressant : elles sont belles et tout le monde les aiment. Bon coup de marketing politique! C'est même télégénique!

J'ai le privilège de vivre dans une érablière et de voir les vraies couleurs de l'automne, à différents stades déterminés par la photosynthèse, pas par des fonctionnaires et les diktats de ce monde... et il n'y a pas de feux de circulation!

Confinée contre mon gré au Québec, je voyagerai par l'imaginaire et les romans. Je vais donc en Islande, partie singulière du globe, avec La Dame de Reykjavik de Ragnar Jonasson, paru aux Éditions La Martinière en 2019 (244 pages), deuxième d'une trilogie dont je ne réussis pas à mettre la main sur le premier, Dimma.

Hulda s’est toujours impliquée dans son métier de flic, qu’elle aime, certaine d’avoir du flair et de savoir mener les investigations. Au moment de démasquer une mère de famille ayant renversé volontairement un pédophile, elle apprend qu’elle doit laisser sa place à un jeune et brillant collègue. Avant cette retraite anticipée, elle arrache le droit de rouvrir un cold case : le cadavre d’une demandeuse d’asile russe retrouvé sur une plage dans l’indifférence générale. Affaire classée ? Pas pour Hulda, persuadée que l’enquête a été bâclée et que les choses auraient tourné autrement si la victime avait été une Islandaise. Loin d’être une Miss Marple un peu écrasée par le poids des ans, Hilda montre une belle vitalité. Mais le mystère plane autour d’elle. Est-elle en recherche d’un second souffle amoureux ? Que recèlent les silences ? Au fil du texte, les questions s’accumulent, installent un trouble et une émotion.
 

Son bureau, qu’elle considérait comme sa seconde maison, lui paraissait tout à coup étranger, comme si le nouveau propriétaire s’y était déjà installé. Elle trouvait sa vieille chaise inconfortable, la table en bois foncé usée et abîmée, les papiers qui y traînaient n’avaient plus aucun sens pour elle.

(source : L'Actuallité) 

Mon avis. J'ai tout aimé : le dépaysement, le suspense, les virements de situations, même la fin «suspendue» (je dois lire la suite sans faute). Je commence même à m'habituer à ces noms de personnes et de villes imprononçables. Les problèmes contemporains (ségrégation, âgisme, inceste, demandeurs d'asile...) auxquels est confrontée cette inspectrice d'expérience servent de trame de fond à ce polar scandinave. Les personnages sont crédibles. C'est très bien traduit. Je l'ai dé-vo-ré!

mercredi 7 octobre 2020

Le dynamiteur de Mankell!

 On oublie que Mankell ne publie pas que des polars. A preuve, Comedia infantile et Les chaussures italiennes que j'avais bien aimés. Mankell, c'est un conteur, un observateur de l'espèce humaine, qui met juste assez de mots pour qu'on comprenne ses personnages et leur contexte. Le dynamiteur de Henning Mankell, publié aux Éditions du Seuil en 2018 (192 pages), je l'ai choisi en pensant lire un polar, mais j'aurai finalement lu une oeuvre littéraire à la fois profonde et empreinte d'humanité. Pas de suspense, juste de la résilience, de la simplicité, de l'humanité...

1911. Oskar Johansson a 23 ans. Dynamiteur, il participe au percement d'un tunnel ferroviaire et manipule des explosifs pour fragmenter la roche. Mutilé à la suite d'un grave accident du travail, il reprendra pourtant son ancien métier, se mariera, aura trois enfants, adhérera aux idéaux socialistes puis communistes. Au soir de sa vie, il partagera son temps entre la ville et un cabanon de fortune sur une île aux confins de l'archipel suédois.Un mystérieux narrateur recueille la parole de cet homme de peu de mots, qui aura vécu en lisière de la grande histoire, à laquelle il aura pourtant contribué, à sa manière humble et digne.Ce premier roman de Henning Mankell, écrit à 25 ans, et inédit en France à ce jour, se veut un hommage vibrant à la classe ouvrière, à ces millions d'anonymes qui ont bâti le modèle suédois. Par son dépouillement, sa beauté austère, son émotion pudique, Le Dynamiteur contient en germe toute l'oeuvre à venir de Mankell, sa tonalité solitaire, discrète, marquée à la fois par une mélancolie profonde et une confiance inébranlable dans l'individu.

P.S. Dans un commentaire publié par «nameless» sur Babelio, on apprend que dans sa préface rédigée au Mozambique en novembre 1997, Henning Mankell indique avoir débuté l'écriture du Dynamiteur en 1972, au moment où les Américains perdent leur guerre d'agression sans issue au Vietnam. Il faut attendre septembre 2018, trois ans après sa mort, pour que Seuil propose la traduction française de ce premier roman édité par l'auteur.

dimanche 4 octobre 2020

On lit du scandinave!

Thème imposé pour notre rencontre d'octobre (si nos charmants et ingénieux fonctionnaires le veulent bien, évidemment!) : les auteurs de polars scandinaves. Parfait!  Pierre T. nous en a fait une liste et j'en ai quelques-uns en réserve!

Mon seul problème avec les romans scandinaves, c'est les noms de lieux, de personnes. Mon amie Nicole les saute, mais c'est plus fort que moi, je m'arrache les yeux et me chauffe les synapses à les lire. Pour le reste, il y a toujours le web pour nous montrer les lieux, souvent magnifiques.

Autre chose : j'ai encore commencé une série par la fin... sans même m'en douter tellement il n'y avait pas de références aux trois tomes antérieurs. Mais comme la fin laissait entrevoir une suite, j'ai fait une petite recherche pour découvrir non seulement que le tome 5 existe, mais qu'il n'est pas encore traduit.

J'ai tout de même eu beaucoup de plaisir avec ce roman d'Emilie Schepp, une auteure suédoise, La marque du père, paru aux Editions Harper Collins en 2020 (368 pages). 

Résumé. En ce début de soirée, Sam Witell s’absente de sa maison pour une course rapide. À son retour, il a tout perdu : sa femme a été assassinée, son fils, Jonathan, six ans, a disparu. L’œuvre d’un pédophile ? d’un psychopathe ? Sous la houlette de la procureure Jana Berzelius, les policiers Henrik Levin et Mia Bolander enquêtent. Si leur soupçon porte d’abord sur le père, ce dernier semble avoir un solide alibi. Pourtant, de nombreuses zones d’ombre subsistent dans cette famille en apparence bien lisse… Pourquoi la défunte mère était-elle dépressive ? Jana Berzelius doit démêler cette affaire aux ramifications complexes tandis que son passé de tueuse menace de refaire surface. Il va falloir frapper vite, et fort…

Mon avis. Superposition, entremêlement d'histoires, d'événements, de retours en arrière, mais d'une manière très habile. Le rythme va croissant et m'a fait dévorer le dernier tiers d'une traite. J'aurais aimé que Schepp approfondisse un peu plus le caractère, la psychologie de chaque personnage (c'est peut-être là que la lecture des trois premiers tomes m'aurait été utile), surtout les plus improbables comme Berzelius et Pena. La fin m'a laissée sur ma faim... Je garderai l'oeil ouvert pour le cinquième, Broder Jakob.